Le Sentier des Justes en Christ

Le Sentier des Justes en Christ

Chapitre quatre 6.6

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  Il disparaît dans son refuge pendant qu'un silence de plomb écrase le bras droit. Dans son bureau, Deveniez invite Maélys Maillaguet à prendre place sur un des sièges confortables du petit salon privé. Surprise de ce cérémonial, la jeune fille ne comprend pas et s'abasourdit davantage de l'entendre lui proposer un rafraîchissant qu'elle refuse poliment.

- Ne soyez pas intimidée, Maillaguet ! Je suis votre patron d'accord, mais je reste civilisé !

- C'est que, je ne comprends pas très bien ce que je fais ici, Monsieur Deveniez ! Quand vous m'avez convoquée, j'ai cru à une réprimande pour... ce que j'ai dit... de… de vous…

- Vous savez, moi aussi, il m'est arrivé de dire ce genre de choses sur quantité de personnes ! Qui n'a pas parlé ainsi de ses instituteurs, ses médecins ou ses supérieurs ? L'important est que ça reste dans le domaine du correct. Ici, la maison ne fait pas crédit à des balivernes amoureuses ou adultérines. La plus grande valeur en laquelle je crois est la famille, et je tiens à sauvegarder la mienne. Celui qui ne veut pas comprendre ce principe, en général ne rentre pas dans ma Société.

Maélys ne dit rien, cela ne lui viendrait même pas à l’esprit, l’homme continue donc :

- Celui ou celle qui veut lorgner sur la femme de son voisin ou le mari d'à côté oublie souvent qu'en trompant sa femme, il va aussi décevoir ses enfants... j'aime trop les miens pour leur faire payer des escapades irréfléchies qui détruiraient tout sur leur passage. Il toise un instant son employée pour bien lui faire prendre conscience de ce que va suivre, puis poursuit :

- J’ai le privilège d’avoir une épouse incroyablement dévouée, elle a renoncé à sa carrière professionnelle pour moi et nos enfants et supporte avec beaucoup de courage mes absences répétées et quand je suis à bout, c’est encore elle qui me supporte et qui renonce à ses projets pour rester à mes côtés et…

Maélys profite de cet instant d’interruption de son employeur pour oser glisser :

- Avec tout le respect que je vous dois, cela ne me regarde pas, je pense monsieur le directeur…

Cette fois, c’est lui qui la brave volontairement.

- Cela vous regarde à partir du moment où vous m’avez trouvé l’homme le plus beau du monde.

La jeune femme baisse les yeux écrasée par la honte et la culpabilité, tandis que lui reprend :

- L'adultère est comme un meurtre, personne n'oublie jamais et ça laisse toujours des traces. Même lorsque l'on déménage pour oublier et recommencer une nouvelle vie, c'est dans le cœur de celui qui a été bafoué que restent les empreintes indélébiles. Les stigmates invisibles sont les pires à guérir, croyez-moi !

 

         Il se tait encore un instant, se lève et fait quelques pas, puis se tenant de nouveau face à elle, il dit souriant pour lui redonner une certaine sécurité et confiance en lui :

- Je sais que mes employés voudraient tous être de petites abeilles pour entrer dans mon bureau par la serrure et voir ce qui s’y passe, maintenant Maillaguet, vous le savez ! Je suis un passionné de la vie et de la famille et quand les circonstances s'y prêtent, je me laisse aller à la confidence. Soyez heureuse que ce soit tombé sur vous ! Comme vous pouvez le constater, je suis un homme comme les autres ! N'oubliez jamais que les plus beaux sont toujours ceux que l'on connaît le moins. C'est comme certaines épouses qui admirent le gazon bien taillé de leur voisine jusqu'à ce qu'un jour, en s'approchant pour mieux voir, elles s'aperçoivent que c'est du synthétique...

Il cligne de l'œil à son intention et sourit en lui disant :

- J'espère qu'en sachant davantage à mon sujet, vous ne me trouverez plus le plus bel homme du monde, car alors j'en serai très fâché !

- À présent, reprend-il, avant de passer aux choses sérieuses, je voulais vous dire que vous avez le droit de dire à tout le personnel que vous rencontrerez, qu'à partir d’aujourd’hui, je vous convoquerai chacun à votre tour, pour que vous ne vous donniez plus de mal à vouloir vous changer en insecte pour entrer en douce dans mon bureau. J'aurais trop peur qu'en n'agissant pas ainsi, je ne tue l'un de vous avec ma bombe aérosol quand je serai trop envahi !

 

         Maélys Maillaguet éclate de rire, tandis que Michel Deveniez content d'avoir dénoué les nerfs de la jeune fille reprend :

- Avez-vous une petite idée de votre présence ici ?

- Pas le moins du monde, Monsieur le Directeur !

- Vous êtes ici pour remplacer Laurence Guennac lors d'une période qui variera entre trois et cinq mois. Je sais que vous allez me dire que vous n'êtes pas à la hauteur, mais c'est mon bras droit elle-même qui vous enseignera l'art de gérer le personnel d'une Société comme la nôtre. Ma secrétaire sera avec vous une semaine durant laquelle vous pourrez tout lui demander. Ensuite, vous devrez affronter seule, les sauts d'humeur de l'un ou l'autre de mes clients ou même de mes employés. Vous devrez faire preuve d'une grande sagesse et d'une colossale maîtrise de vous. Cinq mois suffiront largement à vous préparer à un futur poste tel que celui où vous allez évoluer jusque-là. J'ai pris cette décision parce que je n'oublie jamais les gens valeureux. Vous avez eu beaucoup de cran de ne pas vous être débinée quand votre copine vous a descendue en ma présence. Depuis, je me suis demandé comment j'allais faire pour vous donner le coup de pouce que vous méritiez. Vous avez des

questions ?

- Oui... une seule...

- Je vous écoute, Maillaguet !

- Les cinq mois signifient-ils que Mademoiselle Guénnac part en congé sans solde ?

- Non, ils signifient qu'elle vient de commettre une grave entorse à ce qui a été signé et il m'a été impossible de l'absoudre. J'aurais pu, si je l'avais vraiment voulu, mais je ne lui aurais pas rendu service. Vous pouvez être heureuse de constater que le malheur des uns fait encore le bonheur des autres...

- Je suis heureuse que vous m'ayez choisie pour cette formation, mais je suis triste de devoir prendre la place de ma supérieure. Avec tout le respect que je vous dois, réalisez-vous dans quelle situation vous me mettez ? Je respecte trop Mademoiselle Guénnac qui a été d'une gentillesse infinie à mon égard quand j'ai été engagée. Nul ne pourrait la remplacer et moi encore moins...

- Hé, hé, hé... je sais tout cela puisque je l'ai engagée. Je connais toutes ses qualités, mais je regrette, elle a commis une erreur. Si vous ne voyez pas d'inconvénients, je vais lui demander de venir et lui faire part de la situation. Vous avez toutes les chances de réussir cette formation, mais vous pouvez aussi très vite la renverser de vos propres mains si vous laissez vos émotions vous dominer.

 

         Deveniez appelle Laurence qui ne tarde pas, sachant qu'il ne fait pas bon marcher sur des œufs. Durant une heure, les trois personnes commentent les nouvelles directives du patron, tandis que Maélys Maillaguet parvient à peine à surmonter l'accablement qu'elle devine chez sa supérieure qui garde une contenance assez exceptionnelle. Laurence Guennac réalise qu'il va lui falloir une force de géant pour prendre place derrière le bureau du 112.

 

         Comme convenu, pendant les semaines qui suivent, tant bien que mal, Maélys Maillaguet occupe la place convoitée de la Secrétaire de Direction qui s'est intégrée assez difficilement là où elle avait placé le 112. Elle se sent humiliée d'avoir été déchue de ses fonctions et son orgueil lui fait mal. Le poste imposant auquel elle a toujours été affectée ne lui facilite pas la vie, car tout en elle trahit l'autorité naturelle qu'elle affiche depuis ses débuts dans la Société. Tous ses mouvements, sa diction et ses façons démontrent qui elle est en réalité.

Il faut avouer que même en évoluant au rez-de-chaussée, pour tous, elle reste Mademoiselle Guénnac, quoique Monsieur Deveniez ait exigé de la considérer comme un agent quelconque durant toute la période de la formation du 112. Dans l'intervalle, Soraya n'a pas arrêté de se battre pour s'octroyer le droit d'arborer un long tailleur, alors que ses collègues portent le leur jusqu'au genoux. Les rares fois où la jeune fille s'est montrée en robes, elles lui sont toujours tombées jusqu'aux chevilles. Si une autre s'accoutrerait de cette façon, le vêtement la dévaloriserait, mais à cause de sa silhouette longiligne, Soraya appose toujours de telles tenues avec grandes aisance et élégance. Et comme un gamin, Michel Deveniez s'est vu capituler devant l'entêtement de la jeune fille qui voulait quitter la Société si elle n'avait pas ce qu'elle souhaitait.

 

          Durant les mois qui défilent, Soraya réalise abasourdie que les circonstances qu'elle avait narguées sont venues jusqu'à elle. Mais alors que cet emploi aurait dû lui rendre sa fougue, ses parents s'aperçoivent très vite qu'elle n'arrive pas à concilier le travail et les cours du soir. Bien qu'elle ne dise rien, Andréas et Athéna remarquent son épuisement, car c'est une Soraya différente et absente qui vit au milieu d’eux. Même Dimitrios n'arrive plus à communiquer avec elle. Pour tenter de l'aider, le couple Zacharias décide de rencontrer Michel et Caroline Deveniez, afin de savoir si la jeune fille est vraiment à sa place à la Société.

 

         L'idée est bénéfique pour la jeune fille, car tous finissent par se ranger du côté de l'oncle qui invite ses amis à libérer Soraya des cours Méric qu'elle suit assidûment, alors qu'elle n’entrevoit son avenir que dans le milieu floral.

 

         Faute de croire à la nouvelle colossale, la princesse des fleurs qui sait à peine gérer sa nouvelle vie, reçoit d'abord l'annonce de cette libération comme une feinte, puis n'en revenant pas qu'elle n'aura plus à subir ces cours qu'elle déteste, elle pleure et rit en allant de l'un à l'autre pour les embrasser.

 

         Cet inattendu aurait pu renverser Soraya dans le service qu'elle rend à Michel Deveniez et se laisser tenter à s’occuper de sa passion, mais elle étonne son monde en évinçant la flore pour une certaine période, afin d'offrir à son oncle ce qu'elle lui avait promis, alors que ce dernier est maintenant gêné de la façon dont il l’avait embobinée, car depuis qu’il est revenu de son voyage il y a trois mois, il aurait pu chercher quelqu’un d’autre.

 

         Dans ces mêmes temps, la jeune fille qui se lie d'amitié avec Maélys Maillaguet devient plus joviale et retrouve peu à peu sa personnalité et sa chaleur au grand bonheur de tous.

 

         Maélys Maillaguet devient pour elle une véritable complice, alors que nul n'avait imaginé que cette bombe d'exubérance aurait pu aider Soraya à renaître. Soraya qui n'avait eu jusque-là que ses frères pour ses loisirs et Dimitrios pour ses confidences s'étonne d'avoir autant de joie à partager avec celle qui l'a choquée par son manque de savoir-vivre. En réalité, bien que Soraya ait découvert en Maélys quelqu'un d'intelligent et généreux, elle a vite discerné son petit « côté profiteur » lorsqu'elle délègue ses moindres responsabilités à ceux qui ont la malchance de se trouver sur sa route.

 

         Dès que l'occasion se présente, Maélys se libère du moindre devoir qui l'impliquerait pour un court ou moyen terme. Ayant été abusée plus d'une fois pour des pacotilles, Soraya s’est promis de ne plus jamais se laisser berner, même si son amie sait se servir de son sourire et son regard pour tromper les plus tenaces. En vérité, très peu arrivent à lui dire non, car elle est toujours là pour réconforter celui qui souffre ou inviter au restaurant celui qui est seul. Cette attitude dérange parfois Soraya, mais l'amitié qui l'attache à Maélys abroge toujours les barrières qui se dressent entre elles. Pourtant combien elles sont nombreuses.



15/04/2013
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