Le Sentier des Justes en Christ

Le Sentier des Justes en Christ

Chapitre quatre 5.6

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Il se tait quelques instants puis poursuit les yeux dans le vide : 

- J’ai aussi appris que chacun d’eux désirait témoigner, mais les éléments qu’ils voulaient apporter étaient trop insuffisants par rapport à ce dont nous avions besoin. Tous les trois travaillaient dans la sécurité en des endroits différents, et quand je leur ai proposé de travailler pour moi, près de mon agent, ils ont accepté sans hésiter. Le dire à mon fils était une autre affaire, car j’avais peur qu’il se vexe d’être ainsi gardé, mais lui avoir appris simplement toute la vérité, l’a profondément touché. Il a donc demandé à les recevoir pour les remercier, puis il a appris à les connaître et a décidé de travailler avec eux plutôt qu’eux pour lui. Ces trois personnes ont une révérence sans commune mesure pour mon agent. Et personne n’ose parler de lui en leur présence. Ils sont les seules personnes à connaître un peu plus le 508, et lui en retour, il a une confiance totale en ces agents. Je suis à peu près sûr que ces vigiles savent aujourd’hui plus de choses concernant cet accident que moi-même, mais je n’en ai aucune preuve si ce n’est l’attachement qu’ils lui portent. Ils ne sont pas devenus des amis intimes pour lui, mais il lui arrive parfois de partager avec eux un repas ou une sortie en mer. C’est de cette façon qu’il les remercie et en retour, eux ne demandent rien de plus, car ils savent combien il est mutilé de l’intérieur et l’extérieur. Parfois mon fils est gêné de l’admiration qu’ils lui portent, mais n’en fait jamais cas. Je le sais, car je le connais pour l’avoir vu maintes fois leur taper sur l’épaule en faisant mine de leur rappeler que lui aussi est un homme de chair et de sang, tout comme eux. Le respect de ces trois hommes à son égard a été considérable. C'est de cette façon qu'il a regagné sa dignité et cela lui est devenu encore plus réel depuis que les autres agents ont commencé à le saluer instinctivement en imitant ses vigiles, et la réputation ici, c'est sacré ! 

 

         Émue par ces révélations, Soraya dit à peine audiblement : 

- Merci pour ces confidences... 

- Attends, je n'ai pas terminé ! Je ne veux pas te peiner plus que tu ne l'es déjà, mais permets-moi encore quelques mots. J'ai mis des années à lui redonner une vie normale, je me suis investi pour lui comme dans aucune autre affaire. Il a été ma plus belle réussite professionnelle, je ne permettrai donc jamais à personne de détruire cette œuvre délicate en claquant des doigts... pas même toi, Soraya Zacharias ! 

- Moi ? Tu es injuste, comment peux-tu me dire cela après ce que tu m'as raconté ? 

- Sait-on jamais que tu le revois et qu'une nouvelle crise de gifle s'amoncelle ! Je préfère prévenir plutôt que guérir et en matière de guérison, j'ai déjà donné, merci ! 

- Sa vie est une horreur oncle Michel. Comment parvient-il à vivre détruit comme il l'est ? 

- Je l'ignore Soraya, mais il demeure un grand mystère pour moi. Si je devais un jour croire aux miracles, je dirais qu'il a été le premier que j'ai rencontré. Depuis que je le connais, ma vie est transformée. Maintenant, j'ai d'autres buts, d'autres besoins et d'autres priorités. Depuis que je suis allé le chercher sur ce fameux plancher, six ans auparavant, je n'ai cessé d'errer près des autres SDF pour leur parler et les aider. Toutes les fois où je peux les secourir, c'est mon fils que j'aide. Ce n'est qu'ainsi que je trouve un semblant de répit aux besoins de vengeance qui m'animent. Il me serait facile de le blanchir à cent pour cent et faire arrêter ceux qui l'ont brisé parce que j’avais engagé un détective qui a fait un très bon travail, mais si je le faisais, mon agent se sentirait trahi et je suis le dernier à vouloir toucher à son honneur. J'espère qu'un jour il pourra réaliser ce qu'il avait de plus cher avant le drame. Oui, il voulait s’investir pour aider les pays sous-développés… je n'attends que cela en vérité ! 

        

         Il essuie ses yeux humides et reprend : 

 

- Combien je suis malheureux d'avoir le bateau dont mon fils rêvait alors que lui n'est plus disponible. Son rêve est devenu le mien. En attendant, je me contente de l'association « L'ami aime en tout temps » que ton papa et moi-même gérons, mais je ne serai en paix que lorsque mon Commandant retrouvera son but premier, pour que je puisse l'aider… combien il me tarde de l’aider et je ne veux pas que ce soit moi qui prenne l’initiative. Je sais que lorsqu’il le fera, il le fera parce qu’il sera vraiment guéri. Je n’attends que cela. J’ai épousé son rêve et je veux moi aussi aller dans les pays sous-développés pour travailler avec lui. 

- Oncle Michel, peux-tu me rendre un service ? 

L'oncle ignore les yeux embués de sa nièce et répond : 

- Bien sûr que oui, voyons ! 

- Pourrais-tu lui transmettre mes excuses ? 

- Impossible ! N'oublie pas que tu ne lui en aurais pas fait, si je ne t'avais rien dit, alors il n'y a pas lieu de faire monter les œufs en neige. Garde tes sentiments de pitié, jolie petite nièce ! La pitié n’a jamais transformé beaucoup de monde à mon connaissance. 

- Jolie, heu... il faut le dire vite ! Après qu'il m'ait traitée de mérinos des prairies, je me demande ce que je vaux en matière d'Ève ! 

- Pardonne-lui Soraya, sa réaction a été intentionnelle pour t'éloigner de lui. 

- Il m'a dit que tu ne m'aurais pas engagée comme je suis. Ton fils a raison. 

- Ce que toi et lui ignorez, c'est que des Soraya, j'en ai reçues des tas ici. Et la majorité des demoiselles distinguées, dont t'a parlé mon fiston, ne sont que des anciennes Soraya. Toutes les femmes peuvent être très belles, mais beaucoup méconnaissent le style qui pourrait les avantager. Tout le monde croit que je n'engage que de jolies filles, en vérité, j'embauche des filles que j'aide à devenir elles-mêmes. Tout comme les hommes mûrs et les plus jeunes d’ailleurs. De plus, quand les gens se savent respectés au travail, ils sont naturellement beaux puisqu’ils sont heureux et j’y veille dans mon entreprise. 

- Si tu m’engages, combien de temps devrais-je travailler pour toi ? 

- Ta question me désarçonne Sorie ! On ne peut pas dire que tu perds le nord ! 

- N'oublie pas que je suis ta nièce ! J'ai de qui tenir ! 

- Je vais te retourner la question. Si je t'embauche, combien de temps penses-tu rester ici ? 

Elle reste sans voix et lui de reprendre : 

- Aucun de nous ne peut répondre, alors laissons faire les jours, veux-tu ? Nous avons vécu beaucoup d'événements qui risquent de nous rendre tous dépendants de nos émotions. En tout cas, si je ne l'ai pas déjà fait, je te remercie encore de l'épine que tu m'ôtes sous le pied. Tu es précieuse de me faciliter la vie avant mon départ... 

 

         Il sourit et continue malicieux : 

- En attendant que je te ramène un cadeau de mon voyage d'amoureux, il va falloir nous quitter ma  belle, car je dois m'occuper de Laurence Guennac pendant que tu iras chez l'esthéticienne.   

- Je peux me permettre une dernière question, Deveniez ?   

- Oui, mais j'ignore si je pourrais y répondre ! 

- Est-ce que tu peux pardonner à Laurence Guennac ? 

- Ici, je suis ton patron et non plus ton oncle. Laurence Guennac a fait une entorse grave à la charte qu'elle a signée. Elle a laissé ses émotions la dominer pour une peccadille qui t'a value une gifle. D'ailleurs, sa sanction est déjà en route puisque, j'ai fait venir l'agent 112 qui va la remplacer en se laissant former par Guénnac. De cette façon, le 112 aura une promotion et le 226 dégringolera pendant trois à cinq mois. Des sanctions humiliantes comme celles-ci, on ne les oublie jamais ! Je ne suis pas arrivé où je suis avec une fleur bleue à la bouche et en chantant un air romantique ! Non, j'y suis parvenu en faisant du coude sans cesser d'essuyer la sueur de mon front. Les mauvaises passes, je les ai vécues seul, dans la réflexion et l'humiliation. Être rabaissé n'a jamais tué personne et c'est la meilleure école pour ne pas oublier ceux qui s'enlisent à leur tour. On se souvient toujours de ceux qui sont seuls quand on l'a été soi-même. Je suis sûr qu'un jour, Laurence Guennac me remerciera de l'avoir remise à sa place. Elle ne le mérite pas, c'est vrai, mais des expériences comme celles-ci jalonnent la vie des champions. Si tu veux gagner, pti' bout d'amour, accepte de tomber en courant, ça fait mal, certes, mais ces chutes sont les marques de courage... Maintenant file ! 

        

         Dans l'ascenseur vert émeraude, Soraya croise Maélys qui l'interroge du regard sur la convocation inopinée du patron, mais déjà la nièce s'engouffre dans l'habitacle qui l'emporte sans lui offrir la moindre explication. 

Très peu accèdent au dernier étage à moins d'y être invités. Maélys Maillaguet n'a pas le temps de laisser l'inquiétude l'envahir, son employeur l'attend dans le hall en lui tournant le dos. Il regarde le large comme chaque fois où il éprouve le besoin de se décharger. Pendant quelques secondes, Maélys garde le silence, puis gênée d'être le témoin involontaire de son intimité, toussaille légèrement pour être remarquée. Sans se retourner, Michel Deveniez lui dit : 

Entrez dans mon bureau, Maillaguet ! J'attends juste que Mademoiselle Guénnac me rejoigne. 

- Bien, Monsieur Deveniez ! 

 

         La jeune fille se faufile dans le lieu où beaucoup aimeraient rentrer plus souvent et s'assied sans bruit. De nouveau seul, le directeur prend place sur le fauteuil de son bras droit et gigote sur lui-même de droite et de gauche, comme le ferait un enfant qui aurait pris le siège pour un manège. Il est déçu de sa secrétaire et il est conscient de l'effet glacé que va provoquer l'annonce humiliante prévue pour elle. 

 

         Laurence Guennac arrive sur ces entrefaites, le visage défait. N'osant regarder son employeur, Deveniez vient à son secours : 

- Je suis en entretien avec le 112, lorsque je vous appellerai, je vous prierai de nous rejoindre ! 

- Entendu, Monsieur Deveniez... 

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09/04/2013
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