Le Sentier des Justes en Christ

Le Sentier des Justes en Christ

Une théologie inspirée par une “nouvelle compréhension” ?

 

Beaucoup d’écrits « chrétiens » du 2ème siècle présentent une théologie totalement différente de ce que l’apôtre Jean avait écrit dix ou vingt ans plus tôt. Comme Bacchiocchi l’affirme : « Ignace, Barnabé et Justin, dont les écrits constituent la source majeure de nos informations sur la première moitié du 2ème siècle, témoignèrent et participèrent au processus de séparation d’avec le judaïsme, qui conduisit la majorité des chrétiens à abandonner le sabbat, et à adopter le dimanche en tant que nouveau jour d’adoration » (page 213). Ignace d’Antioche, vers 110 apr. J.-C., écrivit : « Il est monstrueux de parler de Jésus-Christ et de pratiquer le judaïsme » (Magnesians, 10). Il dit également de « ne plus observer les sabbats ». Cependant, l’apôtre Jean, dont l’Evangile avait été écrit quelque vingt ans plus tôt, souligna que Jésus avait observé les mêmes Fêtes que celles de la communauté juive (Jean 7 :2 ; 11 :55).

Dans son Epître écrite vers 130 apr. J.-C., Barnabé d’Alexandrie, (ne pas confondre avec l’apôtre Barnabé), déclara que l’Ancien Testament était une allégorie qui ne devait pas être prise à la lettre. Il considérait que l’interdiction de la loi de consommer des aliments impurs était une métaphore, pour montrer que les chrétiens devaient éviter certaines catégories de personnes (Epître de Barnabé, 10).

Il cherchait aussi à relativiser le sabbat, et il déclara : « Nous célébrons le huitième jour pour nous réjouir également de ce que Jésus est ressuscité des morts » (Epître de Barnabé, 15).

Deux théologiens éminents du 2ème siècle ont joué un rôle important dans la transformation de la théologie biblique en théologie catholique romaine, ayant été l’un et l’autre baptisés dans une Eglise placée sous l’autorité de Polycarpe. Polycarpe (69-155 apr. J.-C.) avait été un disciple personnel de l’apôtre Jean, et il était resté l’un des rares dirigeants fidèles, de cette époque, à demeurer dans la Vérité. Ces deux hommes, Justin Martyr (95-167 apr. J.-C.) et Irénée (130-202 apr. J.-C.), quoiqu’ils eussent conservé certaines vérités apprises sous Polycarpe, s’accommodèrent fort bien de la nouvelle orientation de la théologie romaine au nom de « l’unité de l’Eglise ».

Bien qu’il se fût affranchi d’une bonne partie des enseignements de Polycarpe, Irénée témoigna, pendant toute sa vie, de l’admiration pour lui en tant que grand homme de Dieu. Justin était un Grec de Samarie, qui devint philosophe adepte de Platon, et qui, sous l’influence de Polycarpe et de ses disciples, fut baptisé comme chrétien à Ephèse vers 130 apr. J.-C. Il se rendit à Rome en 151 apr. J.-C., y fonda une école et fut martyrisé, par la suite, en 167 apr. J.-C. Après son arrivée à Rome, Justin chercha à s’orienter sur un compromis au sujet de la loi. Henry Chadwick écrivit :

« Justin croyait qu’un chrétien juif était libéré de la loi mosaïque, sans compromettre d’aucune façon sa foi chrétienne, et même qu’un chrétien non juif pouvait observer les coutumes juives si un chrétien juif l’en avait convaincu ; il suffisait de considérer que de telles observances étaient des matières sans intérêt relevant de la conscience individuelle. Mais Justin admettait que d’autres chrétiens non juifs n’avaient pas une approche si libérale, et croyaient que ceux qui observaient la loi mosaïque ne seraient pas sauvés » (The Early Church, pages 22-23).

Irénée avait grandi en Asie mineure, et dans son adolescence, il avait entendu prêcher Polycarpe. Il arriva à Rome au début de sa vie adulte, et plus tard, il devint évêque de Lyon, en France, en 179 apr. J.-C.

Irénée est considéré comme le plus grand théologien catholique et semble avoir longtemps favorisé la paix et l’esprit de conciliation. Néanmoins, son désir de paix était si grand qu’il préférait faire des compromis avec la Vérité pour maintenir l’unité de l’Eglise. Les Eglises d’Asie mineure, sous Polycarpe, observaient le sabbat et les Jours saints. Cependant, lorsque Irénée vint à Rome, il était prêt à s’adapter aux pratiques

romaines de l’observance des Pâques et du dimanche. A Lyon, certains observaient la Pâque le 14 Abib, et certains autres observaient les Pâques. Irénée observait les Pâques, mais il semblerait qu’il eût été tolérant envers ceux qui continuaient à respecter la Pâque.

Une révolution théologique était, en réalité, en train de se produire dans l’Eglise du 2ème siècle. Notez cela : « Justin Martyr occupe une position centrale dans l’histoire chrétienne du 2ème siècle […] Justin avait également influencé la pensée d’Irénée, évêque de Lyon » (Chadwick, page 79). Bien que Justin devînt chrétien à Ephèse, il « ne comprenait pas que cela puisse l’obliger à abandonner ses investigations, ni même à renoncer à tout ce qu’il avait appris du platonisme » (page 75). Il croyait que le dieu de Platon était aussi le Dieu de la Bible. « Justin ne prétend pas, catégoriquement et exclusivement, que la révélation divine avait été confiée aux Hébreux, ce qui aurait eu pour effet de déclarer nulles les valeurs et les autres sources de sagesse. Abraham et Socrate sont semblables à des chrétiens avant le Christ » (page 76).

 

En acceptant une quantité non négligeable de pensées philosophiques grecques, cette nouvelle approche prépara le remodelage de la théologie chrétienne en ce qui concerne la nature de Dieu.

 

En dépit de toutes ces choses, Justin reconnaissait l’autorité du livre de l’Apocalypse, et croyait que « le Christ viendrait reconstruire Jérusalem pour régner avec Ses saints durant mille ans » (page 78). Irénée, fortement influencé par Justin, conserva également des parts de vérité, en dépit de son adaptation aux pratiques romaines.

Il enseignait avec raison que «le but de notre existence consiste à former le caractère en surmontant les difficultés et les tentations » (page 81). Il croyait également à l’établissement littéral d’un Millénium terrestre durant lequel le Christ régnerait sur terre, et il était contre l’interprétation symbolique d’un espoir millénaire dans les cieux, quoique sur ce point, il insista moins fortement dans ses derniers ouvrages.

L’abandon de la Vérité au profit de l’unité et de la tradition

Il faut noter deux erreurs fondamentales entre ceux qui se disaient chrétiens et ceux qui continuaient à représenter l’Eglise que le Christ avait fondée.

Ces erreurs étaient en rapport avec le fait de savoir si la loi divine continuait d’être obligatoire pour les chrétiens ; ensuite, quelles étaient la nature et l’identité de Dieu. Des erreurs sur ces deux points ne firent qu’élargir les divergences entre la prétendue Eglise chrétienne et la véritable Eglise de Dieu.

L’importance de la loi fut le sujet majeur controversé depuis environ 50 apr. J.-C. jusqu’en 200 apr. J.-C. Ce ne fut qu’au concile de Nicée (325 apr. J.-C.), et au concile de Laodicée (363 apr. J.-C.), que le problème fut finalement résolu, lorsque l’Etat romain s’y mêla. La substance du conflit fut conservée dans la confrontation qui eut lieu vers 190 apr. J.-C., entre Polycrate d’Asie mineure et Victor, évêque de Rome. Polycrate était le successeur de Polycarpe, lui-même disciple direct de l’apôtre Jean. Irénée rapporte que Polycarpe avait fait le voyage jusqu’à Rome, au milieu du 2ème siècle, afin d’essayer de persuader Anicet, évêque de Rome, du bon moment pour la célébration de la Pâque. Anicet répondit qu’il s’en tenait à la tradition de ses prédécesseurs depuis l’évêque Sixte, tandis que Polycarpe déclara « qu’il l’avait toujours observée [la Pâque] avec Jean, le disciple de notre Seigneur, et le reste des apôtres, avec lesquels il était associé » (Eusèbe, xxiv).

Près de cinquante ans après le voyage de Polycarpe, Victor de Rome essaya d’intimider les Eglises d’Asie mineure, afin qu’elles se conforment à la pratique des Pâques romaines. Polycrate écrivit à Victor :

« Par conséquent, nous observons le véritable jour [la Pâque], sans rien y ajouter et sans rien en retrancher.

Car, en Asie, de grandes lumières se sont éteintes, mais elles se relèveront à nouveau au jour de l’apparition du Seigneur, lorsqu’Il reviendra des cieux et ressuscitera tous les saints :

Philippe, l’un des douze apôtres, qui dort à Hiérapolis […] Jean, qui se reposa sur la poitrine de notre Seigneur […] Polycarpe de Smyrne […] Tous ceux-là observèrent la Pâque au quatorzième jour selon l’Evangile, sans faire d’écart, mais en suivant la règle de la foi[…] et mes parents ont toujours observé le jour quand le peuple mettait le levain de côté [14 Abib]. En conséquence, frères, moi qui ai maintenant soixante-cinq ans dans le Seigneur, qui ai consulté les frères à travers le monde, et qui ai étudié toutes les Ecritures sacrées, je n’ai pas peur de toutes ces choses dont vous me menacez pour m’intimider. Car eux, qui sont plus grands que moi, ont dit : « Nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes »

(Eusèbe, xxiv).

 

Au cours du 2ème siècle, les nombreuses controverses qui fusaient de partout remirent en question le gouvernement de l’Eglise. Cette approche mettait l’accent sur ce que devait être la « Succession Apostolique ». Au 1er siècle, l’apôtre Paul avait loué les Béréens pour leur empressement à vérifier chaque jour, dans les Ecritures, que ce qu’il leur annonçait était conforme à la Vérité (Actes 17 :11).

Il exhorta les Thessaloniciens à examiner toute chose et à retenir ce qui est bon (1 Thessaloniciens 5 :21). Constamment, au cours du 1er siècle, nous pouvons lire un appel à se tourner vers les Ecritures.

Cependant, à commencer par les écrits de Clément, évêque de Rome, nous lisons autre chose. Clément écrivit une lettre à l’Eglise de Corinthe vers 100 apr. J.-C., probablement peu de temps après la mort de l’apôtre Jean. Les éditeurs de Masterpieces of Christian Literature soulignent que l’idée principale de Clément était que « le chemin de la paix et de la concorde passe par l’obéissance aux autorités établies, les anciens. Le Christ gouverne les Eglises au moyen des apôtres, des évêques nommés par eux et des successeurs approuvés des évêques ».

Environ dix ans plus tard, Ignace insista également sur ce point : « L’unité et la paix dans l’Eglise, ainsi que la validité de l’Eglise sont obtenues en restant fidèle à l’évêque » (Masterpieces).

Au milieu du siècle suivant, cette idée avait tellement pris d’ampleur que Cyprien d’Afrique du Nord déclara : « Le point de mire de l’unité est l’évêque. Lui désobéir, c’est désobéir à l’Eglise, et l’on ne peut pas avoir Dieu pour Père si l’on n’a pas l’Eglise pour mère » (Chadwick, page 119).

Ces revendications étaient destinées à pousser les frères dans une organisation qui se développait rapidement, et qui devint l’Eglise catholique que nous connaissons aujourd’hui. Comme ces appels sont, de loin, différents de ceux de l’apôtre Paul et des autres chefs du Nouveau Testament, qui mettaient l’accent sur les Ecritures et sur les fruits de leurs ministres pour authentifier l’Eglise (voir 1 Corinthiens 11 :1 ; Actes 17 :2). N’étant plus capables de se référer clairement aux Ecritures, les chefs de l’Eglise du 2ème et du 3ème siècle comptaient de manière croissante sur la loyauté des frères auxquels ils affirmaient avoir été dûment ordonnés successeurs des apôtres et des évêques, qui les avaient suivis. Alors qu’ils abandonnaient de plus en plus ce que les apôtres avaient enseigné, ces individus trompeurs cherchaient à rassembler les frères en faisant appel à l’unité et à la mémoire des apôtres.



10/05/2012
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